Économie circulaire: des mots qui sonnent bien et qui coûtent cher
- Anne-laure Bourgeois
- 28 oct.
- 3 min de lecture
Il y a des mots qui sonnent bien et qui coûtent cher. Économie circulaire en fait partie. Sur le papier, c’est une evidence : moins de déchets, plus de matières réutilisées, une industrie qui tourne en boucle. Dans la réalité, cette économie souffre d’un défaut de compétitivité : ce secteur n’est pas rentable. Le plastique recyclé, par exemple, coûte 4 à 5 fois plus cher que le plastique vierge. En effet, plusieurs phases de production sont nécessaires pour récupérer les matières dans les déchets pouvant se substituer aux matières vierges. Par ailleurs, la difficulté à disposer de matière recyclée en quantité suffisante pour la massification des procédés nuit à la rentabilité des investissements industriels. Enfin, la réparation et le réemploi nécessitent de mettre en place des systèmes de collecte et de concevoir des contrôles sanitaires et de sécurité adaptés aux spécificités de ces biens. La valorisation énergétique des déchets se heurte à la concurrence des énergies fossiles, et en particulier du gaz.
Pour combler le déficit de compétitivité, une action publique est indispensable
Le soutien de l’Etat prend deux formes : un soutien budgétaire et une action de régulation par l’application du principe pollueur/payeur. L’Etat choisit de soutenir cette filière non rentable car l’enjeu est de long terme : souveraineté sur les matières, réduction des émissions, emplois industriels non délocalisables. Ce soutien a pris plusieurs formes et a considérablement augmenté sur la période 2015/ 2023 avant de connaitre une forte baisse en 2025. Cette dispersion des moyens publics n’est pas sans poser des problèmes pour évaluer la politique publique.

En complément des crédits budgétaires, le principe de pollueur-payeur permet de corriger les distorsions de concurrence entre les activités les plus polluantes (qui génèrent donc un coût pour la société) et celles qui préservent les ressources naturelles. Les filières à responsabilité élargie du producteur (REP) ont été mises en place pour organiser l’application du principe du pollueur-payeur à l’échelle européenne. Depuis la première filière REP en 1992, de nouvelles filières ont été mises en place régulièrement. La loi Agec en particulier a conduit à la création de dix nouvelles filières REP entre 2021 et 2025, portant le total des filières à vingt-deux.
Pour répondre aux obligations des filières REP, sauf exceptions, les entreprises mettent en place collectivement des éco-organismes agréés. La taille et le chiffre d’affaires (qui correspond aux éco-contributions perçues) des éco-organismes varient fortement. Le montant cumulé des éco-contributions, qui pèsent sur les entreprises, progresse fortement : 1,9 Md€ en 2022 ; 2,3 Md€ en 2024 ; 8 Md€ en 2029. Ce modèle est-il soutenable pour les entreprises alors que seules 15 filières REP ont mis en place une éco-modulation pour récompenser les entreprises vertueuses ? Le signal prix manque de clarté.
Malgré la hausse des moyens financiers, des résultats décevants
Les crédits publics ont doublé en quatre ans, pourtant 40 % du gisement soumis à REP échappent encore à la collecte, soit 6,6 millions de tonnes de déchets. Dans le même temps, les éco-organismes accumulent des provisions pour charges futures — un coussin financier parfois confortable, peu mobilisé pour la montée en capacité industrielle.
Plus grave encore, la France a payé, à elle seule, 20% de la ressource plastique du budget européen, soit une taxe assise sur les déchets d’emballages plastiques non recyclés. En cumulé, nous avons dépensé 4,3 Md€ entre 2022 et 2024 pour payer cette contribution. Si la France avait un taux de recyclage des emballages plastiques similaire à celui de l’Allemagne, c’est à-dire de 50 %, nous économiserions de l’ordre de 0,75 Md€ par an.
Les nouveaux outils de la loi Agec se sont concentrés sur des dispositifs à forte visibilité médiatique, comme les bonus réparation dont les modalités ne sont pas sans soulever des questions.
Renforcer le contrôle sur les filières REP
La séparation du contrôle des filières REP entre cinq administrations est source d’inefficacités. Par exemple, la DGPR n’a ainsi pas un accès direct à SYDEREP, la base de données de l’Ademe, alors qu’elle détient le véritable pouvoir de sanction.
Les différentes crises qui sont survenues au cours de l’année 2025 montrent également que la situation financière des filières REP manque de manière inquiétante de transparence. Il n’y a pas aujourd’hui d’analyses économiques approfondies réalisées par les instances en charge de leur supervision.
Il y a beaucoup à faire : simplifier les procédures de contrôle, revoir les sanctions pour les rendre pleinement efficaces, consolider les données (comment les éco-organismes peuvent-ils contester des données transmises par l’Ademe ?!).
Soutenir l’investissement en mobilisant les ressources des filières REP
La loi Agec avait tenté d’amorcer une ouverture des filières vers l’investissement, en étendant le champ de leurs missions non plus seulement à l’élimination des déchets, mais également au soutien à l’éco-conception et à l’allongement de la durée de vie des produits. La trésorerie abondante des filières REP doit pouvoir être mobilisée pour soutenir les investissements dans l’économie circulaire et prendre la suite des moyens publics.